vendredi 18 décembre 2015

Le père Noël et la destruction de la foi

Noël approche et c'est le temps de l'année où nous revivons ces rites qui ont jalonné notre enfance et notre vie et au sein desquels nous avons été formés.

Nous voulons nous remémorer, revivre et transmettre à ceux qui nous suivent, nos enfants, ces traditions qui portent en elles les moments les plus beaux et les plus intimes de notre vie familiale.

En ce qui concerne Noël, nous sommes, en occident et plus particulièrement en Amérique du nord, les héritiers d'une double tradition: notre tradition chrétienne d'où provient la fête de Noël et lui donne sa signification et une tradition  plus récente qui est celle du père Noël.

Nous savons que le père Noël n'existe pas. Cependant, il fait partie de l'univers fantastique et féerique des fêtes de Noël que nous avons connues et qui contient tant de nos beaux souvenirs d'enfance.
Alors, lorsqu'il s'agit de considérer s'il faut perpétuer cette fiction fantaisiste dans nos familles, avec nos enfants, notre réflexion nous oriente généralement à considérer que tout cela est un beau folklore, bien innocent, qui habille les fêtes de Noël de merveilleux pour les enfants et qu'il n'y a rien de nocif en tout cela.

En plus, l'idée de retirer tout cet aspect folklorique de nos fêtes de Noël crée spontanément un double malaise chez la plupart de ceux qui l'envisagent :
1 - Cela crée un vide que nous ne voyons pas facilement comment combler. Par quoi remplacer effectivement tout ce qui vient avec ce folklore et les traditions qui l'accompagnent ?
2 - Cela nous met en marge de la presque totalité du monde. Ce n'est pas facile d'envisager de se placer en opposition avec la majorité des gens avec lesquels nous vivons Noël. De se placer en position critique dans un temps où nous somme surtout appelé à célébrer et nous réjouir en famille et avec nos amis.
Un aspect non négligeable de cette difficulté est l'idée que nos enfants ne pourront pas partager avec les autres enfants ces plaisirs et ces joies associés aux fêtes de Noël.

Je me dois d'admettre qu'au cours de ma vie, je suis passé par les deux extrêmes dans les positions que j'adoptais sur cette question. C'est une question que je me repose chaque année et c'est une discussion que j'ai eu à de nombreuses reprises avec beaucoup de personnes différentes. Les problèmes que j'ai mentionnés ci-dessus ne proviennent pas seulement de mon expérience personnelle mais ont été des objections récurrentes de la part de ceux avec qui j'en discutais. Alors, plutôt que de simplement les balayer du revers de la main, j'essaye de les prendre en compte comme des préoccupations légitimes que je dois intégrer dans ma manière de répondre à cette question: "devons nous continuer à perpétuer cette tradition fantaisiste du père Noël qui, tout de même, pour un chrétien n'a rien à voir avec la véritable signification de Noël et, même pour un non chrétien, est tout simplement fausse ?"

Est ce que de faire croire à l'existence du père Noël à nos enfants n'est qu'une tradition folklorique inoffensive et sans conséquence où est-ce qu'en tant que fiction il s'agit d'un mensonge funeste ?

Je tiens mentionner ici, au cas où cela représenterait un problème, que j'utilise volontairement des expressions tranchées, non pour répondre à l'avance à ma question, mais pour permettre de voir facilement les extrêmes opposés d'un problème qui ne se résout pas que par un raisonnement abstrait.

La question de la vérité est au centre de cette question et j'admet que j'ai toujours penché du coté d'une réponse sans concession: Enseigner une chose fausse comme étant vraie n'est pas admissible.
Cependant, peut-on juste détruire une tradition au nom de la vérité et prétendre que le vide qui s'ensuit est préférable à la richesse de ce qu'on y vivait jusque là ? A défaut d'un véritable argument intellectuel, je peux, en tant que catholique, constater que ce n'est pas comme ça que l'Eglise à procédé dans son histoire. Nos fêtes chrétiennes se sont souvent développées en assumant et transformant des fêtes et des traditions folkloriques païennes. Dieu est venu habiter et transformer par sa présence nos réalités humaines, non faire table rase pour tout refaire à neuf. Dieu n'est pas un révolutionnaire. Il ne prétend pas construire son royaume sur les cendres du monde. La réponse que je cherche doit prendre cela en compte.

Toutefois, la question de la vérité demeure.

Il me semble qu'on peut distinguer deux moments, deux "phases" à notre transmission de ce récit fantaisiste:
1 - Lorsque nous initions nos enfants à cette tradition. Un jour, dès que nos enfants sont en mesure de comprendre ce qu'on leur dit, on leur raconte ce récit fantastique du père Noël qui apporte les cadeaux et tout ce qui va avec.

2 - Vient ce moment, parfois très tôt, où l'enfant pose la question à ses parents: "mais papa, maman, est-ce que c'est vrai la père Noël ?"

Je crois que c'est à ce moment là que se situe le véritable enjeu.

Nous aimons cette innocence de l'enfance que nous associons facilement à l'imaginaire, qui est en effet très fertile chez les enfants. Cependant, ce dont l'enfant à surtout soif (et que sa recherche de connaissance rend manifeste) c'est de vérité.

Et où un enfant cherche-t-il en premier lieu la vérité ? Chez ses parents.
L'enfant place une foi absolu dans ses parents. Sa vie entière est en dépendance d'eux et ce qu'ils lui disent est reçu comme vérité absolue.
Ainsi, au nom de notre désir de maintenir le merveilleux et le féerique univers de nos enfants, nous nous mettons en position de leur affirmer comme vraie une chose que nous savons fausse. Notre principale raison de la faire est souvent la crainte que nous avons de briser à leurs yeux la magie de Noël.
Cependant, si l'enfant pose la question, n'est-ce pas justement parce qu'il est prêt à entendre la réponse ?

Est ce que de répondre la vérité à son enfant gâche le fantastique et le féerique de ces traditions folklorique ? Il me semble que non, justement, et que les enfants sont parfaitement capable de comprendre ce qu'est un jeu et une mise en scène et de s'y prêter avec le plaisir de son imaginaire fantastique. Alors, du moment qu'ils demandent et obtiennent la vérité, la manière de parler du père Noël et de tout ce qui va avec changera mais ne disparaîtra pas pour autant Cela deviendra un rituel festif et symbolique qui ne faussera pas la perception de la réalité chez l'enfant.

Pourquoi accorder autant d'importance à cette question ?


Premièrement, pour le simple amour de la vérité. Cela concerne tout le monde.


Ensuite, lorsque nous sommes des fidèles du Christ, parce qu'à coté du récit du père Noël, il y a un autre récit merveilleux et fantastique et d'autre rites symboliques entourant la fête de Noël: le récit de la nativité du Seigneur et Sauveur des hommes, qui donne sa signification véritable à Noël.

Un jour, également, l'enfant demandera: "Est-ce que c'est vrai que Jésus est Dieu fait homme, né d'une vierge pour notre salut éternel, mort crucifié et ressuscité sous Ponce Pilate et monté au ciel avec son corps, que nos péchés sont pardonnés et qu'il se donne à nous réellement tous les jours en son corps et son sang dans l'eucharistie ? Si l'enfant à toujours fait l'expérience d'un respect absolu de son intelligence de la part de ses parents qui ne lui ont jamais menti, alors, leur "oui, cela est vrai" aura une grande importance pour toute sa vie et sera d'un grand poids dans la foi de leur enfant.

C'est ici que s'éclaire mon titre provocateur, si des parents, au moment où leur enfant s'éveille à la vérité et la cherche auprès de ses parents trouve un mensonge. Il fait dès sa tendre enfance l'expérience qui lui enseigne à relativiser ce que lui enseignent ses parents et cela ne saurait contribuer à favoriser la foi qu'il leur accordera lorsqu'il s'agira de la révélation divine.

Bien sûr, il ne s'agit pas de dire qu'à cause du récit du père Noël tout est perdu ensuite. Est-il nécessaire, cependant, pour l'amour d'un récit fantastique, d'introduire dans l'esprit de nos enfants que leurs parents peuvent, en certaines circonstances, leur mentir et qu'en fin de compte ce n'est que par leur propre jugement qu'ils pourront distinguer le vrai du faux ?

Nous ne pouvons pas aimer et préférer le Seigneur dans notre vie si nous n'aimons pas et ne préférons pas toujours la vérité. Parfois comme dans le cas de Noël et du folklore l'accompagnant, la place de la vérité et de la légitime fantaisie n'est pas évidente à départager. Cependant, je ne crois pas qu'un bon compromis soit possible au détriment de la vérité.

La véritable difficulté avec la vérité, ce n'est pas de la dire, c'est de bien la dire mais pour bien la dire, il faut la dire. C'est cette perspective qui éclaire ma réflexion.

2 commentaires:

  1. J'ai vécu ceci avec mon garcon de 8 ans cette année et il était sur le bord de ne plus y croire (au pere noel). Je me préparais mentalement à rationaliser sa déception et lui disant que c'était un genre de rite initiatique pour dire "maintenant, tu es un grand garçon, tu devras apprendre a challenger les choses et a incorporer un esprit critique. Ceci était ton premier test et tu l'as réussi. Papa va toujours être la pour t'aider et te supporter".

    J'ai toujours un petit jeu avec lui. Quelquefois je grossis ou exagere les choses à outrance pour l'amener a me dire que j'lui monte un bateau. Évidemmment je ne mens pas sur les choses fondamentales mais je veux malgré tout qu'il demeure toujours l'esprit alerte. On en discute toujours après.

    Je crois sincèrement que l'esprit critique est une des choses qui manquent le plus aux jeunes présentement En tant que père c'est mon rôle de l'armer face à la vie qui est quelquefois hostile et ou il sera contrarié plus d'une fois. Ca fait pertie de la réalité. La vie n'est pas un cocon.

    Tout cela évidemment sans perdre de vue qu'il n,a que 8 ans, sans trop l'éloigner de l'enfance parce que tsé, a son age, il aura bien d'autres années pour s'occupper des problèmes du monde.

    RépondreSupprimer
  2. Comme je le disais dans mon article, je crois que l'exigence de répondre à la soif de vérité de l'enfant (que sa question manifeste) est la priorité.

    Si on lui présente, à cette occasion, le père Noël comme une mise en scène festive, je ne crois pas que l'enfant sera déçu. Je crois que cette crainte de le décevoir est surtout une projection de notre part. Son intérêt pour la vérité est prédominant.

    Je dirais que, comme dans beaucoup de domaines, il ne faut pas "télégraphier" les problèmes. Si on prend l'occasion de la question de l'enfant pour lui dire "merveilleux, tu es assez grand pour comprendre!", il sera très content et fier de sentir qu'il progresse et il sera également très content de continuer à "jouer au père Noël" car, à cet âge, on aimer jouer.

    "Télégraphier le problème" serait, par exemple, de lui dire : "Zut, tu as perdu ton innocence mon pauvre" (par nos mots ou attitudes non verbales). Alors, là, ce n'est pas à cause du père Noël que l'enfant serait triste, mais à cause du sentiment de perte induit à partir de la perspective de ses parents.

    RépondreSupprimer